
Tous les 25 mars, le petit monde de la communauté des amis de Tolkien se rassemble pour célébrer la destruction de l’Anneau, la chute de Sauron et la fin du Troisième Âge. Car c’est un 25 mars que l’Anneau Unique fût précipité dans les feux de la Montagne du Destin.
À cette occasion il est de bon ton de ressortir un de ces nombreux livres présents sur nos bibliothèques, des livres qui avouons-le n’ont jamais bien le temps de prendre la poussière, n’est-ce pas ? Tolkien Reading Day ou pas.
Lisez donc Tolkien en ce jour légèrement différent. Retrouvez votre chapitre préféré parmi les nombreux ouvrages en votre possession. Si vous avez du mal à choisir, la Tolkien Society anglaise peut vous aiguillonner avec un thème pour cette année : la vie, la mort, l’immortalité. Vaste programme.
De mon côté, pour célébrer la chose j’avais pris l’habitude de passer de courts extraits sur le Twitter des Furets. Mais cette année, tout ça coïncide avec l’approche du 10.000e commentaire sur le site. Alors je vais faire d’une pierre deux coups avec un petit concours.
C’est vous qui allez me faire passer des extraits de Tolkien en commentaire de cet article. Votre préféré, qu’il soit dans le thème ou non, qu’importe. Vous n’êtes même pas limité en nombre de caractères.
Je vous laisse le week-end pour tourner vos pages et trouver un passage qui vous chavire le cœur, après ça je tirerai au sort l’une de vos participations pour la récompenser de 500PTs.
À vous de jouer maintenant, je suis impatient de lire Tolkien, et cette fois ce n’est pas moi qui tournerai les pages.
Je commence du coup!
Hithlum reçut alors l’annonce de la chute de Dorthonion, de la défaite des fils de Finarfin et de la déroute des fils de Fëanor. Fingolfin crut voir arriver la ruine absolue des Noldor et l’écroulement sans espoir de retour de toutes les Maisons. Plein d’une rage désespérée il monta son grand cheval Rochallor et s’en alla seul sans que personne pût le retenir. Il traversa Dornu-Fauglith comme un tourbillon à travers les cendres, et tous ceux qui le voyaient passer s’enfuyaient, stupéfaits, croyant qu’Oromë en personne était venu, car il était pris d’une telle folie enragée que ses yeux brillaient comme ceux des Valar. Seul il arriva devant les portes d’Angband et fit sonner sa trompe en frappant une fois encore sur les portes d’airain, et il défia Morgoth de venir l’affronter en combat singulier. Et Morgoth vint.
J.R.R Tolkien Le Silmarillion, Chapitre XVIII: La ruine de Beleriand et la chute de Fingolfin
A mon tour !
J’enchaîne sur un poème qui est en fait les paroles d’une chanson de Samsagace Gamegie lorsqu’il est dans le Mordor à la recherche de Frodon :
“Dans les pays de l’ouest sous le Soleil
les fleurs peuvent sortir au Printemps,
les arbres bourgeonner, les eaux courir,
les joyeux pinsons chanter.
Ou ce peut être une nuit pure
où les hêtres ondoyants portent
les étoiles elfiques tels des joyaux blancs
parmi leur chevelure rameuse.
Bien qu’ici en fin de voyage je sois
dans les ténèbres profondément enfoui,
au-delà de toutes les tours fortes et hautes,
au-delà des montagnes escarpées
au-dessus de toutes les ombres vogue le Soleil
et les Étoiles à jamais demeurent :
Je ne dirai pas “le Jour est fini”,
je ne ferai pas aux Étoiles mes adieux.”
J.R.R Tolkien, Le Seigneur des Anneaux – Le retour du roi, Livre VI chapitre 1
Chanson de Durin
Le monde était jeune et les montagnes vertes.
Aucune tache encore sur la Lune ne se voyait,
Aucun mot n’ était apposé sur les rivières ou les pierres,
Quand Durin s’ éveilla et marcha solitaire.
Il nomma les collines et les combres sans nom,
Il but l’ eau des puits jusqu’ alors non goûtée;
Il se baissa et regarda dans le Lac du Miroir
Et vit apparaître une couronne d’ étoiles,
Comme des joyaux sur un fil d’ argent,
Au-dessus de l’ ombre de sa tête.
Le monde était beau, les montagnes altières
Aux Jours Anciens d’ avant la chute
De puissants rois en Nargothrond
Et en Gondolin, qui maintenant
Au-delà des Mers Occidentales ont disparu;
Le monde était beau en l’ Ere de Durin.
Roi il était sur un trône ciselé
Dans des salles de pierre aux milles piliers,
Aux voûtes d’ or et au sol d’ argent,
Avec, sur la porte, les runes de la puissance.
La lumière du soleil, des étoiles et de la lune
En d’ étincelantes lampes dans le cristal taillées,
Jamais obscurcie par les nuages ou les ombres de la nuit,
Brillait toujours là, belle et éclatante.
Là, le marteau sur l’ enclume frappait,
Là, le ciseau clivait, et le graveur écrivait;
Là, était forgée la lame et fixée la garde;
L’ excavateur creusait, la maçon bâtissait.
Là, étaient accumulés le béryl, la perle et la pâle opale,
Et le métal forgé comme les écailles du poisson,
Le bouclier et le corselet, la hache et l’ épée,
Et les lances brillantes.
Inlassables étaient alors les gens de Durin;
Sous les montagnes la musique s’ éveillait;
Les harpistes jouaient de la harpe; les ménestrels chantaient,
Et aux portes les trompettes sonnaient.
Le monde est gris, les montagnes sont vieilles;
Le feu de la forge est d’ un froid de cendre;
Nulle harpe n’ est pincée, nul marteau ne frappe :
Les ténèbres règnent dans les salles de Durin;
L’ ombre s’ étend sur son tombeau
En la Moria, à Khazad-Dûm.
Mais encore les étoiles noyées apparaissent
Dans le sombre Lac du Miroir privé de vent;
Là gît sa couronne dans l’ eau profonde,
Jusqu’ à ce que Durin du sommeil se réveille
Gimli quand la communauté campe dans la 21ème salle
J.R.R Tolkien, le seigneur des anneaux – la communauté de l’anneau
Je suis justement en train de lire la nouvelle traduction du tome deux et même si j’aimerai cité de nombreux passages un de mes préféré est celui du poème d’adieu à Boromir.
Je le met à ta place, mais je pourrais pas faire ça pour tout le monde.
“Là, Sam vit, pointant au milieu des nuages légers qui dominaient un sombre pic haut dans les montagnes, une étoile blanche et scintillante. Sa beauté lui poignit le cœur, tandis qu’il la contemplait de ce pays abandonné, et l’espoir lui revint. Car, tel un trait, net et froid, la pensée le transperça qu’en fin de compte l’Ombre n’était qu’une petite chose transitoire : il y avait à jamais hors de son atteinte de la lumière et une grande beauté. Son chant dans la Tour avait été plutôt un défi que de l’espoir ; car alors, il pensait à lui-même. À présent, pendant un moment, son propre destin et même celui de son maître cessèrent de l’inquiéter. Il se glissa de nouveau sous les ronces et s’étendit à côté de Frodon ; et rejetant toute crainte, il se laissa aller à un profond et paisible sommeil.”
Le Retour du Roi, Livre 6, chapitre 2 : le Pays de l’Ombre (vers le premier tiers)
Je trouvais ce passage particulièrement joli, surtout vu le point où on en est dans l’aventure à ce moment-là :)
@Andy : bravo d’avoir retrouvé ce passage particulièrement classe du Silmarillion !! Il est drôlement chouette :) (même si après c’est pas très sympathique…)
“Et il s’arma de toute sa volonté, et appela à son secours toute sa haine pour le Dragon et son Maître, et il lui sembla soudain qu’il éprouvait une forme d’âme et de corps qu’il n’avait jamais connues auparavant ; il gravit la falaise, pierre par pierre, racine par racine, jusqu’à ce qu’il puisse enfin s’agripper à un arbrisseau qui poussait un peu au-dessous des lèvres du gouffre, et bien que la cime de l’arbre soit calcinée, il tenait encore solidement par ses racines. Et commeTurambar se carrait dans la fourche de ses branches, les parties médianes du Dragon vinrent se placer juste au dessus de lui, , et ballottées par leur grand poids, lui effleurèrent presque la tête avant que Glaurung ait réussi à les relever. C’était une panse toute blême et ridée, d’où suintait une humeur visqueuse et grise et à laquelle adhéraient toutes sortes d’immondices ; et elle puait la mort. Alors Turambar tire la Noire Épée de Beleg, et frappa vers le haut de toute la force de son bras, et mue par sa haine, la lame terrible, longue et avide, pénétra le ventre jusqu’à la garde.”
Les enfants de hùrin, chapitre XVII: La mort de Glaurung
il n’y a pas de limites, alors je vais en mettre 2 !
Il y a un passage en particulier qui me touche, je le trouve magnifique :
“Voici le choix qu’il donna à Lúthien. Ses travaux et ses peines lui valaient d’être libérée par Mandos et d’aller vivre à Valinor jusqu’à la fin du monde parmi les Valar, ayant oublié toutes les souffrances de son existence. Mais Beren ne pouvait pas venir. Car les Valar n’avaient pas le pouvoir de le refuser à la Mort, le din qu’Ilúvatar a fait aux Humains. Ou elle pouvait retourner sur les Terres du Milieu avec Beren, mais sans savoir si elle vivrait ou trouverait la joie. Elle deviendrait alors une mortelle, soumise à une seconde mort comme Beren, elle devrait bientôt quitter le monde et de sa beauté ne resterait qu’un souvenir.
Elle choisit ce destin, abandonnant le Royaume Bienheureux et refusant toute parenté avec ses habitants afin que, quels que soient les chagrins qui les attendent, le sort de Beren et celui de Lúthien soient joints et que leur chemin les conduise ensemble au delà des limites du monde. Ce fut donc la seule des Eldalië à mourir et, de fait, il y a longtemps qu’elle a quitté ce monde. Son choix pourtant a réuni les Deux Races et elle annonça la venue de ces nombreux êtres en qui les Eldar, bien que le monde ait entièrement changé, croient voir la semblance de Lúthien la bien-aimée, celle qu’ils ont perdue”
Le Silmarillion, chapitre 19 : Beren et Lúthien, pages 269-270
Étant la première Elfe à perdre son immortalité par amour pour un mortel, j’ai trouvé ce passage très joli lorsque je l’ai relu aujourd’hui durant mon temps libre. Qu’importe la différence, nous sommes tous pareil, même si ici ce sont des races différentes. L’amour est aveugle !
Le second, qui m’avait bien amusé la première fois que je l’ai lu, je le chantais comme une petite chanson pour enfants, et c’est bien le but.
Gris souris
Grand comme une maison
Le nez tel un serpent
Je traverse la prairie
Et sous mes pas la terre tremble
Et quand je passe, les arbres cassent !
Des cornes à la bouche
Je cours vers le Midi
En battant de mes grandes oreilles.
Depuis la nuit des temps
Je vais clopin-clopant
Sans jamais m’étendre à terre
Fût-ce même pour mourir.
Je suis Oliphant
Le plus gros de tous
Énorme, vieux, et grand,
Si jamais vous me rencontrez
Vous n’êtes pas près de m’oublier ;
Mais si vous ne me rencontrez jamais
Vous penserez que rien de tout ceci n’est vrai.
Pourtant je suis le vieil Oliphant
Et jamais je ne mens.
Les Aventures de Tom Bombadil, chapitre 10 : Oliphant (Oliphaunt), pages 110-111
Ce passage me rappelle la première rencontre entre un Oliphant et nos chers Frodon et Sam, alors qu’ils s’émerveillent et nous apprennent qu’ils n’auraient jamais imaginé qu’une telle chose puisse exister ailleurs que dans les histoires. De plus je la trouve très jolie et enfantine (puisque c’est le but du recueil) et j’aime la relire de temps en temps quand je ne suis pas au top de ma forme. Cela peut paraître étrange mais elle me redonne le sourire, je retombe en enfance pendant une petite minute, car j’adorais les éléphants lorsque j’étais plus jeune !
Le tristement célèbre passage du serment de Fëanor…
“Alors Fëanor fit un serment terrible. Ses sept fils sautèrent à ses côtés et firent ensemble la même promesse. Le reflet des torches ensanglanta leurs épées. Un serment que nul ne pourrait briser ni reprendre même au nom d’Ilùvatar, sans attirer sur sa tête les Ténèbres Eternelles. Ils prirent témoins Manwë et Varda et les hauteurs sacrées du Taniquetil et jurèrent de poursuivre de leur haine et de leur vengeance jusqu’aux confins du monde tout Valar, Démon, Elfe, tout Homme ou tout être encore à naître, toute créature grande ou petite, bonne ou mauvaise, qui pourrait venir au monde jusqu’à la fin des temps et qui aurait un Silmaril en sa possession.
Ainsi parlèrent Maedhros et Maglor et Celegorm, Curufin et Caranthir, Amrod et Amras, les princes des Noldor, et beaucoup reculèrent à ces mots terrifiants. Car, bon ou mauvais, nul ne peut se délier d’un tel serment et il poursuit celui qui le tient comme celui qui le brise jusqu’à la fin du monde.”
“Le Silmarillion”, chapitre 9 : La fuite des Noldor
Bravo à toi Ulfarïn. Tu as eu assez de chance pour être tiré au sort en tant que gagnant des 500PTs.
Surveille ton adresse email, le code ne tardera pas a s’y retrouver ;)
Les détails du tirage au sort sont disponibles à cette adresse:
https://www.randompicker.com/Project/Public/Protocol.aspx?Key=298580×11551
Quant aux malchanceux, ils auront leur chance la prochaine fois, ne perdez pas espoir ;)
Merci Edward, je ne pensais vraiment pas gagner le prix <3
Et merci aussi pour le concours, c'était chouette de chercher des passages dans les œuvres de Tolkien :)
Ce sont les seuls 500 points Turbine du monde jamais soumis à la malédiction de Mandos :D
GG Ulfarïn :)
Yeah!
Alors moi, mon passage préféré, c’est l’Ainulindalë, la première partie du Silmarillion.
Y’a tout dedans, la musique classique, le heavy métal, les elfes, les humains, les hobbits et les nains (sans les naines qui ne sont qu’une concession à l’ère du temps^^)
Comme c’est trop trop long, voici juste le début. Juste avant que les Ainur ne découvrent leur création : Arda.
Ainulindalë
Il y eut Eru, le Premier, qu’en Arda on appelle Ilùvatar;
il créa d’abord les Ainur, les Bénis, qu’il engendra de sa pensée,
et ceux-là furent avec lui avant que nulle chose ne fût créée.
Et il leur parla, leur proposa des thèmes musicaux,
ils chantèrent devant lui et il en fut heureux.
Un long temps s’écoula où ils chantèrent chacun seul,
ou à quelques-uns, pendant que les autres écoutaient,
car chacun ne comprenait que cette part de l’esprit d’Ilùuvatar
d’où lui-même était issus,
et le sentiment de leur ressemblance mit longtemps à venir.
Pourtant une meilleure compréhension leur vint à mesure qu’ils écoutaient
et les fit croître en accord et en harmonie.
Et il fût un jour où Ilùvatar fit rassembler tous les Ainur
pour leur soumettre un thème magnifique
qui leur dévoilait des choses plus grandes et plus merveilleuses
qu’il ne leur en avait encore révélé.
Son début glorieux et sa splendide conclusion
éblouirent tant les Ainur qu’ils se prosternèrent devant Ilùvatar
sans pouvoir dire un mot.
Alors Ilùvatar leur parla :
– De ce thème que j’ai proclamé devant vous,
je souhaite maintenant que tous ensemble, harmonieusement,
nous fassions une Grande Musique.
Et comme j’ai doué chacun de vous de la Flame Immortelle,
vous allez pouvoir faire preuve de vos dons,
chacun jouant s’il le veut de son habileté et de son talent
pour embellir et glorifier ce thème.
Moi je resterais à écouter et à me réjouir, que,
grâce à vous, la beauté se soit muée en musique.
Alors les voix des Ainur, tels des harpes, des luths,
des flûtes et des trompettes, des violes et des orgues,
tels des choeurs aux voix innombrables,
commencèrent à tisser le thème d’Ilùvatar
dans une harmonie grandiose.
Le son des mélodies qui se fondaient sans fin l’une dant l’autre
s’éleva pour tisser une harmonie qui dépassa les limites de l’ouïe
en hauteur comme en profondeur,
les demeures d’Ilùvatar furent pleines à déborder d’une musique
dont les échos atteignirent le Vide,
et ce ne fut plus le Vide.
Jamais plus les Ainur ne composèrent une telle musique,
bien qu’il soit dit qu’une musique encore plus grande,
celle des choeurs des Ainur et des Enfants d’Ilùvatar,
doive s’élever devant Eru après la fin des temps.
Alors les thèmes d’Ilùvatar seront joués dans leur vérité
et adviendront à l’Etre au même moment,
car tous alors comprendront pleinement la partie qu’il leur a destinée,
chacun atteindra à la compréhension des autres,
et Ilùvatar, satisfait, accordera le feu secret à leurs esprits.
Donc Ilùvatar restait à écouter et, pendant longtemps,
il fut content, car la musique était sans failles.
Mais à mesure que le thème progressait,
il vint au coeur de Melkor d’y mêler
des thèmes venus de ses propres pensées
et qui ne s’accordaient pas au thème d’Ilùvatar.
De cette manière il cherchait à augmenter
la puissance et la gloire de sa propre partie.
Melkor était le plus doué des Ainur
en savoir comme en puissance
et il partageait les talents de tous les autres.
Souvent, seul, il s’était aventuré dans les espaces du vide
pour chercher la Flamme Eternelle,
car il avait en lui un furieux désir d’amener à l’Etre
des oeuvres de sa propre volonté,
et il lui semblait qu’Ilùvatar n’avait aucune pensée pour le Vide,
alors que lui-même ne pouvait souffrir qu’il restât vide.
Mais il ne trouva pas le Feu, partage d’Ilùvatar.
Et la solitude lui fit concevoir des pensées à part,
différentes de celles de ses frères.
Il les fit venir dans sa musique,
et une discordance aussitôt s’éleva tout autour.
Beaucoup de ceux qui chantaient près de lui tombèrent en désarroi,
leurs pensées se troubla, leur musique hésita,
et certains tentèrent de s’accorder à lui
plutôt qu’à leur premiere inspiration.
Alors la discordance gagna du terrain
et les mélodies se perdirent dans une mer de sons turbulents.
Ilùvatar continua pourtant d’écouter
jusqu’à ce que son trône parût au milieu d’une tempête,
comme si des océans de noirceur se faisaient la guerre
les uns les autres avec une rage inextinguible.
Alors Ilùvatar se leva, les Ainur sentirent qu’il leur souriait,
il leva sa main gauche et un nouveau thème naquit au milieu de la tempête,
semblable à celui du début et pourtant différent,
qui gagna en puissance et en beauté nouvelles.
Mais la discordance de Melkor s’enfla jusqu’au tumulte
pour s’affronter au nouveau thème,
la bataille sonore gagna en violence,
si bien qu’un grand nombre des Ainur, découragés,
s’arrêtèrent de chanter, et que Melkor eut le dessus.
Alors Ilùvatar se leva de nouveau,
et les Ainur comprirent que son humeur était sévère.
Il leva sa main droite et voici qu’un troisième thème,
différent des autres, s’éleva du chaos!
D’abord il sembla toute douceur et tendresse,
à peine un frémissement de sonorités calmes, de mélodies délicates,
mais rien ne pouvait l’éteindre
et il se mit à gagner en force et en profondeur.
Il semblait à ce moment que deux musiques s’affrontaient devant le trône d’Ilùvatar,
en complet désaccord.
L’une était large et pleine et splendide,
lente cependant et empreinte d’une incommensurable tristesse,
de là surtout venait sa beauté.
L’autre avait maintenant atteint son unité propre,
mais elle était bruyante et vaine, sans cesse répétée,
avec un ensemble tapageur en guise d’harmonie,
comme si de nombreuses trompettes jouaient la fanfare sur quelques notes.
Cette musique voulait submerger l’autre par la violence de ses cris,
et il semblait pourtant que ses notes les plus triomphantes
fussent reprises par celle-ci et mêlées dans un mouvement solonnel.
Au milieu de cet affrontement, alors que les espaces d’Ilùvatar vibraient
et que le vacarme envahissait des silences encore jamais troublés,
Ilùvatar se leva pour la troisième fois, et son visage faisait peur à voir.
Il leva les deux mains :
d’un seul accord, plus profond que l’Abîme,
plus haut que le firmament,
aussi perçant que la lumière de son oeil,
la Musique s’arrêta.
Alors Ilùvatar parla, et il dit :
– Puissants sont les Ainur, et Melkor est le plus puissant d’entre-eux,
mais qu’il sache, ainsi que tous les Ainur, que je suis Ilùvatar,
ces thèmes que j’ai chantés, je vous les montrerai
pour que vous puissiez voir ce que vous avez fait.
Et toi, Melkor, tu verras
qu’on ne peut jouer un thème
qui ne prend pas sa force ultime en moi,
et que nul ne peut changer la musique malgré moi.
Celui qui le tente n’est que mon instrument,
il crée des merveilles
qu’il n’aurait pas imaginés lui-même!
Les Ainur furent pris de peur
sans comprendre encore les mots qui leur étaient adressés,
et Melkor fut rempli de honte, en même temps que d’une colère secrète.
Puis Ilùvatar se leva dans toute sa splendeur
et s’avança hors des régions harmonieuses
qu’il avait crées pour les Ainur,
et ceux-ci le suivirent.
Quand ils arrivèrent dans le Vide, Ilùvatar leur dit :
– Voyez votre Musique!
Et c’est toute l’histoire des terres du milieu qui vient de se jouer là^^
./santé et prospérité
Zed’
Eomer sur le champ de bataille aprés la mort de Théoden.
Eowyn ! Eowyn ! Comment te trouves-tu ici? Eowyn? Quelle démence ou quelle sorcellerie est-ce là? La mort, la mort, la mort! La mort nous prend tous.
Alors, sans recevoir aucun avis et sans attendre l’approche des hommes de la Cité, il donna de l’éperon et se lança la tête baissée vers le front de la grande armée, sonna du cor et appela d’une voix forte à l’assaut. Sur le champ de bataille retentit sa voix claire, criant : ” Mort! Courez, courez à la ruine et à la fin du monde!”
Là-dessus, l’armée se mit en mouvement. Mais les Rohirrim ne chantaient plus. “Mort” criaient-ils d’une seule voix puissante et terrible, et prenant de la vitesse comme une grande marée, leur force balaya le terrain autour de leur roi tombé, et elle passa en grondant vers le sud.
Adelandeyo.
Ah! cette scène, elle m’avait mis des frissons… Bien choisi, Silma.
Je me souviens que, lorsque j’ai lu le Hobbit la première fois, j’ai été dépitée lorsque Thorin mourrait. Je l’admets, j’ai versé ma larme, et j’ai crié au scandale ; j’étais tellement déçue qu’il mourût. Après toute sa quête, ne pouvait-il pas trouver du repos dans son Royaume reconquis ? Alors, lorsque les films ont été annoncés, je redoutais ce moment – je savais que j’allais pleurer comme une madeleine… c’était sans compter les sanglots de Martin Freeman. Ah! la mort que je regrette le plus, sans conteste. Voici ses derniers mots, qui m’ont serré le cœur :
“Là, en fait, était étendu Thorïn, couvert de blessures. Son armure fendue et sa hache ébréchée gisaient sur le sol. Il leva les yeux à l’approche de Bilbo.
« Adieu, bon voleur, dit-il. Je m’en vais dans les salles de l’attente m’asseoir auprès de mes ancêtres jusqu’à ce que le monde soit renouvelé. Puisque je quitte maintenant tout or et tout argent pour me rendre où ils n’ont aucune valeur, je désire vous quitter en ami et retirer les paroles et les actes qui ont été les miens à la Porte. […] Mais, triste ou joyeux, il me faut maintenant le quitter. Adieu ! »”
Une mort glorieuse pour un glorieuse roi !
Le roi est mort buvons en sont honneur ! Que sa gloire résonne dans nos chants pour les restes des siècles de se monde !!!!!!
Sous la Montagne sombre et haute
Le roi est venu dans son château
Son ennemi est mort, le Ver de la Terreur,
Et toujours ainsi tomberont ses ennemis.
L’épée est aiguë, la lance est longue.
La flèche rapide, la Porte est solide ;
Le cœur est vaillant qui surveille l’or ;
Les nains n’endureront plus de torts.
Les nains de jadis firent de puissants charmes,
Quand les marteaux tombaient comme des cloches sonnantes
Dans les lieux profonds, où dorment des choses noires,
Dans les salles creuses sous les montagnes rocheuses.
Sur des colliers d’argent ils enfilèrent
La lumière des étoiles, sur des couronnes ils suspendirent
Le feu de dragon, de fil de fer retors
Ils firent sortir la mélodie de harpes.
Le trône de la montagne une fois encore est libéré !
Ô nôtres errant, écoutez l’appel !
Venez en hâte ! Venez en hâte ! à travers la terre désolée !
Le roi des amis et de ceux de votre race a besoin de vous.
Maintenant nous crions par-dessus les montagnes froides,
Revenez aux cavernes anciennes !
Ici aux Portes le roi vous attend,
Ses mains sont chargées de joyaux et d’or.
Le Roi est revenu dans son château
Sous la Montagne sombre et haute
Le Ver de la Terreur est abattu et mort,
Et toujours ainsi tomberont nos ennemis !
Le Hobbit – Chapitre XV
Pour moi, cela seras le très “classique” mais magnifique et profond chant des nains, dans le Hobbit:
“Loin au delà des montagnes froides et embrumées
Vers des cachots profonds et d’antiques cavernes
Il nous faut aller avant le lever du jour
En quête de l’or pâle et enchanté.
Les nains de jadis jetaient de puissants charmes
Quand les marteaux tombaient comme des cloches sonnantes
En des lieux profonds, où dorment les choses ténébreuses
Dans des salles caverneuses sous les montagnes.
Pour un antique roi et un seigneur lutin,
Là, maints amas dorés et miroitants
Ils façonnèrent et forgèrent, et la lumière ils attrapèrent
Pour la cacher dans les gemmes sur la garde de l’épée.
Sur des colliers d’argent ils enfilèrent
Les étoiles en fleur ; sur des couronnes ils accrochèrent
Le feu-dragon ; en fils torsadés ils maillèrent
La lumière de la lune et du soleil.
Loin au delà des montagnes froides et embrumées
Vers des cachots profonds et d’antiques cavernes
Il nous faut aller avant le lever du jour
Pour réclamer notre or longtemps oublié.
Des gobelets ils ciselèrent là pour eux-mêmes
Et des harpes d’or ; où nul homme ne creuse
Longtemps ils sont restés, et maintes chansons
Furent chantées, inentendues des hommes ou des elfes
Les pins rugissaient sur les cimes,
Les vents gémissaient dans la nuit.
Le feu était rouge, il s’étendait flamboyant ;
Les arbres comme des torches étincelaient de lumière.
Les cloches sonnaient dans la vallée
Et les hommes levaient des visages pâles ;
Alors, du dragon la colère plus féroce que le feu
Abattit leurs tours et leurs maisons frêles.
La montagne fuma sous la lune ;
Les nains, ils entendirent le pas pesant du destin.
Ils fuirent leur demeure pour tomber mourants
Sous ses pieds, sous la lune.
Loin au delà des montagnes froides et embrumées
Vers des cachots profonds et des cavernes obscures,
Il nous faut aller avant le lever du jour
Pour gagner sur lui nos harpes et notre or !”
Et si on peut en mettre un deuxième autant ne pas se gêner ^^ !
“Alors Aulë s’empara d’un grand marteau pour écraser les Nains et ses larmes coulaient. Mais Ilùvatar eut pitié d’Aulë et de son désir, à cause de son humilité. Les Nains pris de peur se courbaient sous le marteau et ils baissaient la tête et imploraient pitié. Alors la voix d’Ilùvatar dit à Aulë :
– J’accepte ton offre comme tu me l’as faite.”
Quenta Silmarillion
Chapitre 2 : Sur Aulë et Yavanna
Unmar, Membre de Nosse Taryatundo
J’ai une tendresse particulière pour “les lettres du Père Noël”, recueil de lettres adressés à ses (jeunes) enfants.
1926.
Cette année, je tremble plus que jamais! C’est la faute de l’Ours du Pôle Nord! Ce fut le plus grand boum du monde et le plus monstrueux feu d’artifices jamais vus. Le Pôle Nord est devenu NOIR et les étoiles, ébranlées, ont changé de place, alors que la lune s’est brisée en quatre. L’homme qui y demeure est tombé dans mon jardin derrière la maison. Il a mangé pas mal de chocolats de Noël avant de déclarer qu’il se sentait mieux, puis il est remonté dans le ciel pour réparer la lune et remettre les étoiles en place. C’est alors que j’ai découvert que les rennes s’étaient échappés. (…) Vous n’avez jamais entendu ni vu quelque chose de semblable. J’ai essayé d’en faire un dessin, mais je tremble trop pour le faire comme il faut, et comment peut-on d’ailleurs peindre la lumière fusante ?
Un de mes passages préférés est une réplique pleine d’humour se déroulant après que Frodon, Sam et Pippin n’aient rencontrés Gildor et les autres elfes des bois, en quittant la Comté. Frodon mange, et Pippin le harcèle de questions :
” – Dans ce cas, je suis sûr que Gildor aurait refusé de l’expliquer, dit Frodon avec brusquerie. Et maintenant laisse-moi un peu la paix ! Je n’ai pas envie de répondre à une kyrielle de questions pendant que je mange. Je veux penser !
– Seigneur ! dit Pippin. Au petit-déjeuner ? ”
J’avais ri la première fois, je ris tout autant des années après et à chaque relecture :)
Mon banc à basculé.
«Alors Morgoth monta lentement depuis son trône souterrain, et le bruit de ses pas faisait comme un tonnerre qui secouait le sol. Et il sortit, couvert d’une armure noire, et il se dressa devant le Roi comme une tour couronnée d’acier, et son immense bouclier noir sans blason jetait l’ombre d’un nuage d’orage. Sous cette ombre, Fingolfin semblait comme une étoile, sa cotte de maille était tissée d’argent, son bouclier d’azur était incrusté de cristaux, et Ringil, son épée qu’il brandit, brillait d’un éclair glacé.
Alors Morgoth lança vers le ciel Grond, le Marteau des enfers, puis l’abattit comme un tonnerre. Mais Fingolfin se jeta de côté et Grond creusa dans le sol un gouffre d’où jaillirent des nuages de flammes. Maintes fois, Morgoth tenta de l’écraser et chaque fois Fingolfin s’échappa d’un bond, comme un éclair jailli de sous un nuage noir, et il perça Morgoth de sept blessures et sept fois Morgoth poussa un cri de douleur tandis que les légions d’Angband, de terreur, se jetaient face contre terre, et leurs cris retentissaient dans tous les territoires du Nord.
Mais enfin le Roi se fatigua et Morgoth abattit sur lui son bouclier. Trois fois, il fut mis à genoux, trois fois il se leva et brandit à nouveau son écu brisé et son heaume fendu. La terre autour de lui était toute semée de crevasses et de trous qui le firent trébucher et tomber à la renverse aux pieds de Morgoth. Morgoth posa son pied gauche sur son cou, et ce pied faisait le poids d’une montagne. Mais, d’un dernier coup sans espoir, Fingolfin lui trancha le pied de son épée Ringil et un sang noir et fumant jaillit qui remplit tous les cratères creusés par Grond.
Ainsi mourut Fingolfin, Grand Roi des Noldor, le plus fier et le plus vaillant des anciens Rois des Elfes. Les Orcs ne se vantèrent point de ce duel aux portes d’Angband et les Elfes ne l’ont pas mis dans leurs chants, car leur tristesse est trop profonde.»
Le Silmarillion, “La ruine de Beleriand et la chute de Fingolfin ”
Je crois que ce passage a toujours été mon préféré dans le Silmarillion. Fingolfin affronte un Vala, Morgoth en personne, qui ne peut être tué : il sait donc qu’il n’y a pas de victoire possible, et que sa mort est inévitable. Poutant il déclenche ce combat, et là, il est victorieux, si on peut le dire ainsi, puisque, à défaut de tuer son ennemi, qui ne peut l’être, à défaut de le vaincre complètement (cela, même tous les Valar unis ont eu du mal à le faire), il le mutile, et se faisant, l’humilie. Sans oublier le courage un peu suicidaire de son action, bien sûr. Cela fait de Fingolfin un personnage que j’admire, même si sa mort est triste et signe la fin d’une époque pour les Noldor.
Un autre passage, que j’ai hésité à mettre, et qui me semble correspondre particulièrement bien au thème, est la fuite de Gondolin de ses rescapés, après la chute de la ville, dans le second livre des Contes perdus. En effet, il y a un passage avec le jeune Eärendel, où l’enfant s’inquiète et se montre tout particulièrement plein de vie, disant sa soif par exemple. Or ce passage souligne justement la proximité de la mort, le danger dans lequel sont les fugitifs, et précède de peu le combat mortel de Glorfindel et le Balrog : vie et mort s’entremêlent étroitement, et la vie de beaucoup est sauvegardée grâce au sacrifice d’autres.
J’adore ce passage, et j’hésitais à le mettre, contente de voir qu’il sera présent sur cette page malgré tout !
Ton avis est très appréciable, et je le partage avec toi. Un magnifique personnage, l’un de mes préférés !
Pour ma part, je resterai sur le Rohan :
“Où sont maintenant le cheval et le cavalier ? Où est le cor qui sonnait ?
Où sont le heaume et le haubert, et les brillants cheveux flottants ?
Où sont la main sur la corde de la harpe, et le grand feu rougeoyant ?
Où sont le printemps et la moisson et le blé haut croissant ?
Ils ont passé comme la pluie sur la montagne, comme un vent dans les prairies;
Les jours sont descendus à l’Ouest dans l’ombre derrière les collines.
Qui recueillera la fumée du bois mort brûlant,
Ou verra les années fugitives de la Mer revenant?”
Mais j’avoue que je n’ai pas pris la peine de chercher profondément mais il y a beaucoup d’extrait qui sont tout simplement indescriptible, tellement beaux…
Dans les commentaires, j’aime beaucoup le premier celui ci-dessus, celui de l’Exhaustif, celui d’Ulfarin pour le Silmarillion. Celui sur le Rohan, les poèmes des nains (Celui de Durin et d’Erebor)…
Un moment unique *-* que ce soit dans le film ou dans le livre, il résonne dans ma tête comme un chant de guerre. Je crois bien que c’est le seul moment que j’ai retenu de cette bataille, du moins, moment de paroles !
Oui, j’aime beaucoup la mise en scène dans le film quoique en anglais je trouve que cela ait clairement plus de gueule. Un des rares moments qui me “transporte” dans les films. J’aime beaucoup la charge du Rohan et la passage cité par Silmarond, lorsque que les Rohirrims ne chargent plus qu’au cris de “Death” dans une espèce de furie furieuse et une rage désespérée…
J’avais également pensé à citer le poème de Pipin, lorsque Faramir tente sa charge suicidaire sur Osgiliath.
Le poème de Pipin est magnifique aussi, et très bien interprété dans les films.
Il y a tellement de bons moments à citer que c’est difficile de n’en choisir qu’un seul ^^ sinon on pourrait directement recopier les bouquins, ça irait plus vite !
Pour ma part les poèmes du livre “Les Aventures de Tom Bombadil” me font retomber en enfance, et c’est le but. Les histoires sont très jolies et bien racontées. En fait, les meilleurs moments dans les livres, selon moi, ce sont les chants et les poèmes. Ils reflètent magnifiquement les sentiments des personnages, mieux que le ferait le narrateur !
Que ce soit le chant des Nains, la charge des Rohirrims, le poème de Pipin, le chant de Beren, le poème de Sam … Ils sont tous magnifiques et symboliques, et c’est bien pour ça qu’on les apprécie.
Je clos les participations pour ce mini concours.
Tirage au sort lundi.
Merci pour vos commentaires et votre fidélité, et surtout ne vous arrêtez pas là, continuez de partager vos opinions !
C’est intéressant de voir combien les passages viennent de différentes oeuvres: Bilbo, la Trilogie, le Silmarilion, ou même d’autres écrits… Je ne m’attendais pas à une telle diversité! Ni, d’ailleurs, à voir autant de chants ou de poèmes trouver leur place dans nos extraits favoris.
Je n’ai jamais lu Tolkien en Anglais, mais je dois avouer que dans la plupart des traductions des chants et poèmes, j’ai du mal, parce que je trouve qu’ils manquent de rythme — forcément ce sont des traductions. Je pense que c’est pour ça que je suis particulièrement impressionné par le chant qui suit, je trouve que le rythme est juste incroyable, la traduction elle-même est assez merveilleuse pour qu’on puisse la savourer en français — l’affrontement entre Finrod et Sauron:
“Il entonna un chant de sorcier,
Un chant pour percer, ouvrir et trahir,
Révéler, découvrir et tromper.
Et soudain Felagund qui oscillait
Lui répondit d’un chant de fermeté,
De résistance, pouvoir contre pouvoir
De secrets conservés, la force d’un donjon,
Une foi intacte, la liberté, la fuite;
D’une forme mouvante et changeante,
Qui évite les pièges et brise les filets,
Une prison qui s’ouvre, une chaîne qui casse.
D’arrière en avant leur chant se balançait,
Se déroulait, se noyait, chaque fois plus forte
La chanson se gonflait, Felagund luttait,
Et mettait dans ses mots la magie et la force
De tous les Elfes.
Doucement dans la nuit ils entendirent les oiseaux
De Nargothrond chanter au loin,
Les soupirs de la mer au-delà,
Au-delà du monde occidental, sur le sable,
Le sable nacré du pays des Elfes.
Puis la nuit s’épaissit, les ténèbres
Grandirent sur Valinor, le sang rouge coula
Au bord de la mer, là où les Noldor assassinèrent
Les Coureurs d’Ecume, volèrent les navires,
Les blancs navires aux voiles blanches,
Et fuirent le ciel étoilé. Le vent se plaint,
Le loup gémit, le corbeau fuit,
Dans les bouches marines murmurent les glaces.
Les prisonniers d’Angband en deuil se lamentent,
Le tonnerre gronde, les feux s’éteignent —
Et tombe Felagund devant le trône.”
Le Silmarilion, XIX, Beren et Luthien
J’aurais aimé pouvoir n’en présenter que le meilleur extrait, mais malheureusement le chant ne fait de sens que dans son entier, alors que ce sont pour moi les premiers vers, et le dernier, qui sonnent aussi sublimes — “Et tombe Felagund devant le trône.”
Sauron defeated
Un soir du mois de mars 1436, Maître Samsagace Gamegie se trouvait dans son bureau à Cul-de-Sac. Il était assis à la vieille table de travail bien usée et, s’accordant de fréquentes périodes de réflexion, couvrait des feuilles volantes de sa lente écriture ronde. Sur un lutrin à hauteur de sa taille reposait un grand livre rouge manuscrit.
Peu de temps auparavant il en avait lu des passages à voix haute à sa famille. Car ce jour était un jour particulier : l’anniversaire de sa fille Elanore. Ce soir-là, avant le dîner, il avait enfin terminé le Livre. La lente progression le long de ses nombreux chapitres, même avec les omissions qu’il avait trouvées judicieuses, avait pris des mois, car il ne l’avait lu à voix haute que les grands jours. A la lecture d’anniversaire, outre Elanore, étaient présents le petit Frodon, la petite Rosie, et les jeunes Merry et Pippin ; mais les autres enfants n’y avaient pas assisté. Le Livre Rouge n’était pas encore pour eux, et ils étaient au lit bien tranquilles. Tête d’Or n’avait que cinq ans ; car Frodon s’était légèrement trompé dans sa prédiction : elle était venue après Pippin. Mais elle n’était pas la dernière de la lignée, car Samsagace et Rose semblaient bien partis pour rivaliser avec le vieux Géronte Touque pour le nombre d’enfants, avec autant de succès que Bilbon pour celui des années. Il y avait le petit Ham, et Daisy, et Primevère, toujours dans son berceau.
A présent Sam savourait « un peu de tranquillité ». Le dîner était terminé. Seule Elanore restait avec lui, toujours éveillée parce que c’était son anniversaire. Elle s’assit sans bruit regardant fixement le feu et jetant de temps à autre un coup d’oeil à son père. C’était une belle fille, plus blanche de peau que la plupart des jeunes hobbites, et plus mince, et les lueurs du feu étincelaient dans sa chevelure d’or rouge. Elle avait reçu par don, sinon par héritage, un souvenir de la grâce des elfes.
« Que fais-tu cher papa-Sam ? dit-elle enfin. Tu as dit que tu allais te reposer, et j’espérais que tu me parlerais.
— Juste un moment, Elanorellë, dit Sam alors qu’elle venait passer les bras autour de son cou, regardant par dessus son épaule.
— Cela ressemble à des Questions et des Réponses, remarqua-t-elle.
— Et c’est bien le cas, répondit Sam. M. Frodon m’a laissé les dernières pages du Livre, mais je n’ai encore jamais osé m’y mettre. Je suis toujours en train de prendre des notes, comme aurait dit le vieux M. Bilbon. Il y a ici toutes les nombreuses questions que Maman Rose, les enfants et toi avez posées ; et je rédige les réponses, quand je les connais. La plupart des questions sont de toi, parce que tu es la seule à avoir entendu le Livre en entier plus d’une fois.
— Trois fois » dit Elanore, en regardant la page écrite avec soin qui reposait sous la main de Sam.
Q. Nains, & Co. : Le petit Frodon dit que c’est eux qu’il préfère. Qu’est-il arrivé à Gimli ? Les Mines de la Moria ont-elles été réouvertes ? Reste-t-il encore des Orques ?
R. Gimli : Il est revenu travailler pour le Roi, comme il l’avait dit. Il a ramené du Nord une grande partie de son peuple, et ils ont travaillé si longtemps en Gondor qu’ils s’y sont habitués et se sont installés là, dans les Montagnes Blanches, non loin de la Ville. Gimli se rend une fois par an aux Cavernes Scintillantes. Comment je le sais ? Informations de M. Peregrin, qui retourne souvent à Minas Tirith, où il est très bien considéré.
Moria : Je n’ai aucune nouvelle. Peut-être la prédiction sur Durin n’est-elle pas pour notre époque. Les lieux sombres ont encore besoin d’un bon nettoyage. Je crois cependant qu’il faudra beaucoup de peines et d’audace pour déloger les créatures mauvaises des salles de la Moria. Car il reste certainement beaucoup d’Orques dans de tels endroits. Il n’y a guère de chances que nous arrivions jamais à nous débarrasser d’eux complètement.
Q. Legolas. Est-il retourné chez le Roi ? Restera-t-il là-bas ?
R. Oui, il y est retourné. Il est venu dans le sud avec Gimli, et a ramené beaucoup de ses gens de Vertbois-le-Grand (ainsi l’appellent-ils à présent). Ils disent que c’était merveille de voir ces compagnies de Nains et d’Elfes voyageant ensemble. Les Elfes ont rendu la Ville, et la terre où vit le Prince Faramir, plus splendides que jamais. Oui, Legolas restera là- bas, au moins aussi longtemps que Gimli ; mais je pense qu’il ira un jour vers la Mer. M. Meriadoc m’a raconté tout ceci car il est allé rendre visite à Dame Eowyn dans sa maison blanche.
Q. Chevaux. Merry s’y intéresse énormément ; très anxieux à cause d’un poney qui lui appartient. Combien de chevaux les Cavaliers ont-ils perdus durant les combats, et en ont-ils d’autres à présent ? Qu’est-il arrivé au cheval de Legolas ? Qu’a fait Gandalf de Gripoil ?
R. Gripoil est allé sur le Bateau Blanc avec Gandalf, bien sûr. J`ai vu cela de mes yeux. J’ai également vu Legolas laisser son cheval s’en aller librement d’lsengard vers Rohan. M.Mériadoc dit qu’il ne sait pas combien de chevaux furent perdus ; mais à présent, il y en a plus que jamais en Rohan, car nul ne les vole plus. Les Cavaliers ont aussi beaucoup de poneys, particulièrement dans Harrowdale : des blanc, des marron et des gris. L’année prochaine, lorsqu’il reviendra des terres du Roi Eomer, il a l’intention d’en ramener un pour son homonyme.
Q. Ents. Elanore aimerait en savoir davantage à leur propos. Qu’a vu Legolas à Fangorn ? Et revoit-il encore Sylvebarbe ? La petite Rosie s’inquiète beaucoup des Ents- femmes. Elle les cherche chaque fois qu’elle va dans un bois. Les découvrira-t-on jamais ? Elle aimerait que cela arrive.
R. Legolas et Gimli n’ont pas raconté ce qu’ils ont vu, à ce qu’on m’a dit. Je n’ai entendu parler de personne qui ai vu un Ent depuis cette époque. Les Ents sont très secrets et il n’aiment pas trop les gens, grands ou petits- Je voudrais moi aussi qu’on retrouve leurs femmes ; mais Je crains que le problème ne soit trop ancien et trop profond pour que les gens de la Comté puissent y remédier. Je pense que les Ents-femmes ne veulent peut- être pas qu’on les trouve ; et peut-être les Ents sont-ils à présent fatigués de chercher.
« Eh bien, ma chérie, dit Sam, cette première page n’est que le travail d’aujourd’hui. » Il soupira. « Elle n’est pas assez bien pour entrer dans le Livre telle quelle. Ça ne ressemble pas beaucoup à l’histoire comme l’a écrite M. Frodon. Mais il me faudra faire un chapitre ou deux dans le style qui convient, d’une manière ou d’une autre. M. Meriadoc pourrait m’aider. Il est habile lorsqu’il s’agit d’écrire, et il est en train de faire un livre splendide entièrement sur les plantes.
— N’écris plus ce soir. Parle-moi, papa-Sam ! » dit Elanore, et elle l’entraîna vers un siège près du feu.
« Dis-moi, répéta-t-elle, tandis qu’ils s’asseyaient l’un près de l’autre dans la douce lumière dorée qui éclairait leurs visages, parle-moi de la Lórien. Est-ce que ma fleur y pousse toujours, papa-Sam ?
— Eh bien, ma chérie, Celeborn vit toujours là-bas parmi ses arbres et ses Elfes, et je ne doute pas que ta fleur y pousse encore. Quoique, maintenant que je t’ai pour te regarder, je ne m’en préoccupe plus autant.
— Mais je ne veux pas me regarder, papa-Sam. Je veux regarder d’autres choses. Je veux voir la colline d’Amroth où le Roi a rencontré Arwen, et les arbres d’argent, et le petit niphredil blanc, et l’elanor dorée dans l’herbe qui est toujours verte. Et je veux entendre chanter les Elfes.
— Alors tu les entendra peut-être un jour, Elanore. Je disais la même chose quand j’avais ton âge, et longtemps après, et il semblait n’y avoir aucun espoir. Et malgré tout, je les ai vus, et entendus.
— J’avais peur qu’ils ne prennent tous la mer, papa-Sam. Car alors, il n’en resterait bientôt plus ici ; et alors, partout, il n’y aurait plus que des endroits vides, et…
—Et quoi, Elanorellë ?
—Et la lumière s’affaiblirait.
—Je sais, dit Sam. La lumière faiblit, Elanorellë. Mais elle ne disparaîtra pas encore.
Je pense maintenant qu’elle ne disparaîtra jamais tout à fait, depuis que je t’en ai parlé. Car il me semble à présent que les gens peuvent se la rappeler, même s’ils ne l’ont jamais vue. Et pourtant, soupira-t-il, même ainsi, ce n’est pas pareil que de la voir vraiment, comme je l’ai fait.
— Comme faire réellement partie d’une histoire ? demanda Elanore. Une histoire ce n’est pas pareil, même quand elle raconte ce qui est arrivé. J’aimerais pouvoir revenir au bon vieux temps !
— Les gens comme nous le souhaitent souvent, dit Sam. Tu es née à la fin d’un grand Age, Elanorellë ; mais, bien qu’il soit terminé, les choses ne s’achèvent pas aussi brutalement, comme on dit. C’est plutôt comme un crépuscule d’hiver. Les Hauts Elfes sont presque tous partis avec Elrond, maintenant. Mais pas vraiment tous ; et ceux qui ne l’ont pas suivi attendront encore un moment. Et les autres, ceux qui appartiennent à cette terre, resteront même plus longtemps. Tu as encore des choses à voir, et peut-être les verras-tu plus tôt que tu ne l’espères. »
Elanore resta un instant silencieuse avant de reprendre la parole. « Au début. je n’ai pas compris ce que voulait dire Celeborn quand il a fait ses adieux au Roi. Mais je crois que je comprends maintenant. Il savait que Dame Arwen resterait, mais que Galadriel le quitterait. Je pense que c’était très triste pour lui. Et pour toi cher papa-Sam. » Sa main tâtonna à la recherche de la patte brune de Sam, qui serra ses doigts fins. « Car ton trésor est parti lui aussi. Je suis heureuse que Frodon de l’Anneau m’ait vue, mais j’aimerais pouvoir me rappeler l’avoir vu.
— C’était triste, Elanorellë, dit Sam. embrassant ses cheveux. Ça l`était, mais ce n’est plus désormais. Pourquoi ? Et bien, d’une part. M. Frodon est parti là où la lumière elfique ne faiblit pas ; et il a mérité sa récompense. Mais j’ai eu la mienne également. J’ai reçu de grands trésors. Je suis un hobbit très riche. Et il y a une autre raison que je te chuchoterai, un secret que je n’ai jamais dit à quiconque auparavant, ni encore inscrit dans le Livre. Avant de partir. M. Frodon a dit que mon heure pourrait venir. Je peux attendre. Je crois que, peut-être, nous ne nous sommes pas dit adieu pour de bon. Mais je peux attendre. J’ai au moins appris ça des Elfes, en tout cas. Le temps, ça ne les tracasse pas. Ainsi, je pense que Celeborn est toujours heureux parmi ses arbres, d’une façon elfique. Son heure n’est pas venue, et il n’est pas encore fatigué de son pays. Quand il le sera, il pourra s’en aller.
— Et quand tu seras fatigué, tu partiras. papa-Sam. Tu partiras aux Havres avec les Elfes. Alors, je partirai avec toi. Je ne me séparerai pas de toi, comme Arwen a quitté Elrond.
— Peut-être, peut-être, dit Sam en l’embrassant doucement. Et peut-être pas. Le choix de Lúthien et d’Arwen, ou quelque chose d’approchant, se présente à beaucoup ; et il n’est pas sage de prendre sa décision avant l’heure.
« Et maintenant, ma petite chérie. je pense qu’il est temps de se mettre au lit. même pour un demoiselle de quinze printemps. Et j’ai quelque chose à dire à Maman Rose. »
Elanore se leva et passa légèrement la main dans la chevelure brune et frisée de Sam, déjà. mouchetée de gris. « Bonne nuit, papa-Sam. Mais…
— Je ne veux pas de bonne nuit, mais, dit Sam. — Mais ne veux-tu pas me la montrer d’abord ? C’est ce que j’allais dire.
— Te montrer quoi, chérie ?
— La lettre du Roi, bien sûr. Tu l’as reçue il y a plus d’une semaine, à présent. »
Sam s’assit. « Bonté divine ! dit-il. Comme les histoires se répètent ! On vous rend la monnaie de votre pièce, et tout ça. Comme nous avons espionné le pauvre M. Frodon ! Et maintenant, les nôtres nous espionnent, sans intentions plus mauvaises que celles que nous avions, j’espère. Mais comment es-tu au courant ?
— Il n’y avait pas besoin d’espionner, dit Elanore. Si tu voulais la garder secrète, tu n’as pas été assez prudent. Elle est arrivée par le courrier du Quartier du Sud, tôt mercredi de la semaine dernière. Je t’ai vu la rapporter. Toute enveloppée de soie blanche et scellée par de grands cachets noirs : il suffisait d’avoir entendu le Livre pour deviner immédiatement qu’elle venait du Roi. Est-ce de bonnes nouvelles ? Ne veux-tu pas me la montrer, papa-Sam ?
— Eh bien, puisque tu en sais tant, il vaut mieux que tu apprennes le reste, dit Sam. Mais pas de conspiration, désormais. Si je te la montre, tu passes du côté des adultes et tu dois jouer le jeu. Je le dirai aux autres en temps utile. Le Roi arrive.
— Il vient ici ? s’écria Elanore. A Cul-de-Sac ?
—Non, chérie, dit Sam. Mais il revient dans le nord, ce qu’il n’a pas fait depuis que tu étais petiote. Mais maintenant sa maison est prête. Il n’ira pas dans la Comté, parce qu’il a ordonné que le pays soit fermé aux Grandes Gens. et qu’aucun d’entre eux n’y pénètre après ces Bandits ; et il ne dérogera pas à sa propre règle. Mais il chevauchera jusqu’au Pont. Et il a envoyé une invitation très spéciale pour chacun de nous, à chacun par son nom. »
Sam alla à un tiroir, le déverrouilla. en tira un rouleau dont il fit glisser l’étui. Le parchemin était écrit sur deux colonnes avec de belles lettres argentées sur fond noir. Il le déroula et posa une bougie à côté sur le bureau. afin qu’Elanore puisse le voir.
« Comme c’est beau ! s’écria-t-elle. Je peux lire le Langage Ordinaire, mais que dit l’autre côté ? Je crois que c’est de l’Elfique, mais tu m’en as encore appris si peu de mots.
— Oui, c’est écrit dans un genre d’Elfique qu’utilisent les grandes gens de Gondor. confirma Sam. Je l’ai déchiffré, assez au moins pour être sûr qu’il dit en gros la même chose, sauf qu’il traduit tous nos noms en Elfique. Le tien est le même des deux côtés, Elanore, parce que ton nom est elfique. Mais Frodon devient lorhael , et Rose devient Meril , et Merry devient Gelir , et Pippin devient Cordof , et Tête d’Or devient Glorfinniel , et Hamfast devient Baravorn , et Daisy devient Eirien . Et maintenant, tu sais.
— Comme c’est merveilleux, dit-elle. A présent nous avons tous des noms elfiques. Quelle splendide fin d’anniversaire ! Mais quel est ton nom, papa-Sam ? Tu ne l’as pas mentionné.
— Eh bien, il est assez particulier, dit Sam. Car dans le texte elfique, si tu dois savoir, le Roi dit: “Maître Perhæl qui doit être appelé Panthæl .” Et cela signifie: Samsagace qui devrait être appelé Très-sagace. Alors, à présent, tu n’ignores plus ce que le Roi pense de ton vieux père.
— Je n’en pense pas moins, papa-Sam, très cher Perhæl-adar(7), dit Elanore. Mais c’est écrit le deux avril, dans seulement une semaine ! Quand partirons-nous ? Nous devrions nous préparer. Que porterons-nous ?
— Tu dois demander tout ça à Maman Rose, dit Sam. Mais nous nous sommes préparés. Nous en avons été avertis il y a longtemps ; et si nous n’avons rien dit, c’est seulement parce que nous ne voulions pas que vous en perdiez le sommeil, pas déjà. Il faut que vous soyez tous à votre avantage. Vous aurez tous de beaux vêtements et nous irons en calèche.
— Devrai-je faire trois révérences, ou seulement une ? demanda Elanore.
— Une seule suffira, une pour le Roi et une pour la Reine, dit Sam. Car, bien qu’il ne le dise pas dans la lettre, Elanorellë, je pense que la Reine sera là. Et quand tu l’auras vue, ma chérie, tu sauras à quoi ressemble une princesse elfe, sauf qu’aucune autre n’est aussi belle. Et ce n’est pas tout. Car je serais surpris si le Roi ne nous invite pas dans sa grande maison du Lac Evendim. Et il y aura Elladan et Elrohir, qui vivent toujours à Fondcombe— et avec eux, des Elfes, Elanorellë, et ils chanteront au bord de l’eau dans le crépuscule. C’est pourquoi j’ai dit que tu pourrais les voir plus tôt que tu ne le supposais. »
Elanore ne dit rien, mais resta à regarder le feu, et ses yeux brillaient comme des étoiles. Enfin, elle soupira et remua. « Combien de temps resterons-nous ? demanda-t-elle. Je suppose que nous devrons revenir ?
— Oui, et nous le voudrons, d’une certaine manière, dit Sam. Mais nous pourrons rester jusqu’à la récolte du foin, pour laquelle je dois être de retour ici. Bonne nuit, Elanorellë. Dors maintenant jusqu’au lever du soleil. Tu n’auras pas besoin de rêves.
— Bonne nuit, papa-Sam. Et ne travaille plus. Car je sais à quoi ton chapitre devrait ressembler. Ecris ce dont nous avons parlé ensemble — mais pas cette nuit. » Elle l’embrassa et quitta la pièce ; et il parut à Sam que le feu baissait au moment de son départ.
Les étoiles brillaient dans un ciel noir dégagé. C`était le deuxième jour de la courte période lumineuse et sans nuages que traversait régulièrement la Comté vers la fin du mois de mars, et qui était tous les ans accueillie et louée comme quelque chose de surprenant pour la saison. Tous les enfants étaient couchés. à présent. Il était tard, mais ça et là, des lumières miroitaient dans Hobbitebourg, et aux fenêtres de maisons éparpillées dans la campagne que recouvrait la nuit.
Maître Samsagace se tenait à la porte et regardait au loin vers l’est. Il attira contre lui Madame Rose et l’entoura de son bras.
« Le vingt-cinq mars ! dit-il. Ce même jour, il y a dix-sept ans, Rose ma mie, je ne pensais pas que je te reverrais Mais je continuais à espérer.
— Je n’ai jamais espéré, Sam, dit-elle, pas jusqu’à ce jour précis ; et soudain, l’espoir était là. C’était vers midi, et je me suis sentie si joyeuse que j’ai commencé à chanter. Et ma mère a dit “Silence jeune fille, il y a des bandits dans le coin.” Et j’ai dit : “Laisse-les venir ! Leur temps sera bientôt fini. Sam revient.” Et tu es revenu.
— Je suis revenu, dit Sam. Vers l’endroit que j’aime le plus au monde. Vers ma Rose et mon jardin.»
Ils rentrèrent. et Sam ferma la porte. Mais. à ce moment précis, il entendit soudain, profond et ininterrompu, le soupir et le murmure de la Mer sur les rivages des Terres du Milieu.