Nous sommes en l’an 3017 TA et vous êtes dans la région de Bree, dans l’une de ces vastes plaines qui l’entourent où des familles de fermiers travaillent dur pour que tout le monde puisse manger à sa faim. On pourrait même dire, si l’on n’a pas peur d’un mauvais jeu de mot, qu’elles veillent au grain.

Cependant, vous apercevez une forme sombre plus loin, trop sombre pour cette après-midi ensoleillée, et, aventureux et curieux tel que vous l’êtes – à moins que ce ne soit que de la bêtise, je ne vous connais pas assez bien pour le dire – vous décidez de vous rapprocher. Une demi-heure plus tard vous êtes sur ce qui fut jadis le seuil d’une grande ferme : on devine encore le tracé des murs parmi les décombres noircis et froid depuis longtemps de l’établissement. Il n’y a plus rien à tirer de ces ruines, vous restez immobile un moment, en silence. Peut-être espérez-vous que personne n’est mort le jour de l’incendie, ou peut-être n’en avez vous rien à faire et vos pensées sont-elles portées bien au delà de cette humble masure.

Vous finissez par hausser les épaules. De toutes façons, quel intérêt de rester ici ? Vous ne connaissiez personne qui vivait ici, et vous ne pouvez rien faire pour ce lieu. Rien à part l’oublier, c’est si facile. Mais alors que vous tournez les talons, quelque chose attire votre œil, une tâche plus clair, un rectangle beige dans cette étendue noire. Quelques pas et vous ramassez un parchemin, couvert de poussière et d’une écriture fine. Une missive, assez ancienne à première vue, mais pas suffisamment pour avoir été détruite par le passage du temps. Par endroit quelques lettres sont illisibles, l’encre ayant coulée comme si des petites gouttes d’eau étaient tombées dessus, mais il reste possible de déchiffrer le message, de deviner les caractères manquant.

Vous hésitez néanmoins, cette lettre ne vous ait certainement pas adressé. Mais… apparemment personne ne l’a trouvé avant vous et si vous écriviez une lettre, vous aimeriez que quelqu’un quelque part, même un inconnu, la lise et qu’ainsi vos pensées restent vivantes.

Il n’y a pas de date, mais vous le remarquait à peine, absorbé que vous êtes par votre lecture.

Mon frère,

C’est le cœur lourd que je vous écris ces mots, car je sais que je ne pourrai plus jamais vous faire part de mes pensées, et vous me faire part des vôtres.

Le dernier souvenir que j’ai de vous c’est votre dos au loin alors que vous courriez vers une soif de vengeance mortelle, l’épée d’un aïeul à la main. Je n’aime pas ce souvenir, c’est celui du désespoir et de la douleur. Je préfère me souvenir de vous comme vous étiez avant, me souvenir de nous lorsque nous étions encore une famille heureuse. Père et mère nous ont quittés depuis longtemps, cinq ans environ, j’ai oublié la date exacte. Mais cela fait un moment et les cicatrices s’amenuisent.

La perte d’Anna et de Darren est beaucoup plus récente. Une semaine, deux jours et cinq heures.

Comme de la date, je me souviens des faits comme si c’était hier : nous revenions de la ville vous et moi, où nous avions acheté de nouveaux outils pour les champs et un cadeau pour l’anniversaire de Darren. Un joli cheval de bois. J’imaginais déjà son grand sourire, le rire joyeux d’Anna en le voyant courir devant la maison avec son “vaillant destrier”.

Mais en approchant des bâtiments… L’odeur était si tenace, si… brutale. J’ai l’impression qu’elle me poursuit encore aujourd’hui, cette odeur de brulé. De mort. Le bonheur n’existait plus, il n’y avait que la peur. Pas de tristesse encore, seulement la peur de ce que nous allions découvrir.

Je ne sais même pas comment l’écrire. Je… Des brigands j’imagine, la région n’en manque pas, mais…

Nous avons du attendre que le feu s’éteigne, nous avons récupéré de l’eau au puits pour accélérer les choses à nous en faire saigner les mains. Sans un mot. Juste des sanglots. Et le silence, oppressant. Un cri de souffrance aurait été accueilli avec joie, un signe de vie quel qu’il soit.

Quand nous sommes finalement rentré dans ce qu’il restait de notre maison nous… Je n’arrive toujours pas à y croire ! Quel genre de monstre massacrerait un enfant et sa mère ?

Je ne peux pas en écrire plus, je n’en ai pas la force, je ne l’aurais jamais. Vous êtes partis si vite, avec l’épée de grand-père, grand-père le voyageur qui avait toujours milles histoires à raconter sur une Cité Blanche dont je ne sais même pas si je doit croire l’existence. Mais il prétendait y être né. J’aurais du vous retenir. Nous ne connaissions rien au combat, à toutes ces choses, mais au fond ce que je voulais vraiment faire, c’était vous suivre, pour me venger aussi.

J’ai tenu ma promesse pourtant, je n’en ai rien fait. Vous n’êtes jamais revenu, hier je me suis enfin décider à vous chercher, discrètement, dans cette forêt si sombre, et je n’ai rien trouvé, seule la garde de fer en forme d’arbre d’une épée que je reconnaîtrais entre mille. Un garde à la lame brisée.

Je n’ai plus la force d’espérer.

Quoiqu’il en soit, si jamais… Enfin, je serai à Bree, j’y ai trouvé un toit et de quoi m’occuper. Vous regardez travailler le bois toutes ces années m’aura servi, j’ose prétendre être une sculptrice plutôt douée.

Je ne sais si j’y resterai toute ma vie, au fond l’envie de m’assurer de la véracité des histoires de grand-père est toujours là. Le rêve d’une enfant. L’espoir d’une adolescente. Le but d’une femme.

Vous m’avez toujours parlé du temps comme d’une rivière que rien ne peut arrêter mon frère, moi j’aime à y penser comme à un océan qui part et reviens, tantôt aussi calme que mère, tantôt féroce et agressif. Quoiqu’il en soit je peux dire une chose : si les vagues du temps viennent à égrainer le sable de votre souvenir, où que vous soyez, sachez que vous comptez toujours énormément pour moi. Et que si, par malheur, je venais à tout oublier, il me resterait toujours le seul amour qui nous liait.

Puissiez-vous me guider vers l’espoir lorsque tout me semble perdu, mon cher frère.

Votre sœur, Anyara et la partie de vous qui sera toujours dans son cœur.

Vous levez les yeux de la lettre, une larme perle à votre œil. Pensée pour cette jeune femme ou résidu d’une ancienne sciure de bois ? Vous reposez la lettre là où vous l’avez trouvée, et vous avisez un objet à côté. Une statuette de bois que la poussière n’a pas encore recouverte, elle. Témoignage d’un passage récent. Une femme et un homme enlacés et souriants, une bague au doigt, un jeune garçon assit entre les deux s’amusant avec un cheval de bois. Les détails sont saisissants, cette œuvre vaudrait une telle fortune… Elle vibre de tant d’émotions… Vous étendez la main dessus et…

Un sifflement à votre oreille, vous reculez précipitamment, avec un bruit sourd un couteau se plante en vibrant entre vous et l’objet. Vous vous retournez mais il n’y a personne, c’est à peine si vous avez l’impression de voir un éclat roux sous le soleil – ou la soleil selon votre origine – mais ce dernier vous éblouit. Vous partez rapidement de cet endroit, et alors que vous vous éloignez, vous prenez conscience de deux choses : des yeux verts au bord du chemin vous suivent du regard et le vent porte un remerciement à vos oreilles.

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12 Commentaires

  1. Juste un mot : woaw (ouais c’est pas vraiment un mot mais c’est le premier truc qui me vient devant un tel récit^^)

    En effet le choix va être dur même s’il y a trois choix, et il reste encore trois jour.
    Par contre pour une histoire de fair play, ne pourrait-on pas s’interdire de voter pour soi? ça fait un peu auto satisfaction.

    Orolhion Martelame
  2. Un régal … Nous ne sommes plus dans la biographie mais dans de véritables prologues à d’excellents récits …!
    Bravo !!!
    As-tu créé un blog ou un site où l’on peut lire tes histoires ?
    Sinon il faudrait y penser … ,)

    Zyhn
    1. Autrement, (et là je vais faire un peu d’autopromo :) il y a toujours la Presse des Peuples Libres.

      Si vous avez envie de partager votre biographie avec la communauté, sans pour autant prendre la peine de créer un blog. Un ptit mail au furet et c’est bon.

      Après si vous voulez un truc bien à vous, pour accueillir de longs récits, régulièrement, vaut mieux que vous vous mettiez au blog.
      Mais pour quelque chose d’occasionnel je pense que la Presse c’est mieux pour vous.

      1. J’y ai pensé pour Lomëwen.
        Mais j’ai un disque interne qui a cramé cet été et m’a fait perdre 40 pages d’écriture…
        J’ai réécrit des choses. Mais il faut que je me lance maintenant….

        Hécate Lomëwen

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